
Loubna Tricha : La personnalité de l’année 2023
Inspirée des orientations royales, Loubna Tricha, Directrice Générale de l’OFPPT, a déployé une feuille de route qui a eu le mérite d’augmenter l’attractivité et la qualité de la formation professionnelle au Maroc et la cotation des lauréats de l’Office sur le marché de l’emploi et d’accompagner les projets de développement du pays.
Par patriotisme, ou tout simplement parce que l’évidence le commandait, Maroc Hebdo a souvent fait le choix de mettre en lumière, au moment de décider de sa personnalité de l’exercice, un homme ou une femme qui ont su mener à bien certains des nombreux chantiers structurants qui font que notre pays émerge désormais clairement comme une puissance à l’échelle de son continent. Football, comme au cours de l’année 2022 (et avant aussi, en 2017) avec le président de la Fédération royale marocaine de football (FRMF), Fouzi Lekjaâ; ou diplomatie, comme en 2021, avec le représentant permanent du Royaume auprès de l’Organisation des Nations unies (ONU) à New York, Omar Hilale… Cela valait peut-être bien le coup, au final, d’en faire trois à la suite, aussi bien pour, encore une fois, saluer une réussite qui, en même temps, revêt une incidence directe sur le vécu de la masse de nos trente-cinq millions de concitoyens, que pour que cela serve d’exemple à qui de droit; ceux qui, pour le dire sans ambages, font que la machine Maroc s’enrhume et connaisse encore, à de nombreux égards, des retards périlleux pour son présent d’abord, et ensuite et surtout pour son avenir.
Et à quoi d’autre penser, quand on y réfléchit un moment et que l’on cherche à remplir toutes les cases, sinon au secteur de l’éducation, le plus crucial sans doute de tous, celui par lequel tout peut arriver et, si on n’y croit pas ou plus, tout s’évaporer? Il faut dire qu’alors que quelques jours seulement nous séparent du Nouvel An, ils sont encore des millions d’écoliers à ne plus avoir eu l’heur de fréquenter de façon régulière un banc de classe depuis au moins sept mois, si c’est au gré de la valse des enseignants, ces nouveaux intermittents du spectacle scolaire comme dirait l’autre, davantage occupés à faire grève qu’à remplir leur mission de quasi prophètes, pour reprendre le célèbre mot du poète égyptien Ahmed Chaouki.
Chantier structurant
Au plus proche, le spectre d’une année blanche hante de plus en plus les parents, quand bien même ils auraient fait le choix douloureux eu égard à leurs finances personnelles d’inscrire leur progéniture dans le privé, censé offrir davantage d’assurance en termes de temps consacré à ses chères études. Et pourtant…
Et si on vous disait que sous les mêmes cieux, et avec, à titre de comparaison, bien peu de moyens, et beaucoup moins de temps surtout, un modèle clé en main a été déjà mis en place, et qu’avec, bien sûr, certains ajustements à faire, il peut être reproduit derechef au niveau de l’ensemble de notre système éducatif et contribuer à asseoir la place qui doit, en principe, nous revenir au milieu des concerts des nations du monde? Vous l’aurez compris, c’est là que réside essentiellement notre première motivation pour sacrer, pour cette année 2023, l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT) en la personne de sa directrice générale, Loubna Tricha. Un choix qui, au vu de toutes les explications développées tout haut, nous a tant semblé couler de source que la discussion à son propos ne s’est pas éternisée: l’OFPPT, en voilà bien un chantier structurant duquel le Maroc peut être assurément fier. Désormais pas moins de 300 établissements répartis sur l’ensemble du territoire national, avec 1.000 fois plus d’étudiants et, surtout, des étudiants qui travaillent.
Taux d’employabilité
En 2017 déjà, et avant que Loubna Tricha ne prenne officiellement les commandes -cela ne sera officiellement le cas qu’à partir d’août 2018, après des mois à assurer l’intérim-, plus de 75% des anciens de l’OFPPT trouvaient un emploi à leur sortie des établissements qu’il gère. Taux monumental, qui, à en croire différents spécialistes, pourrait avoir encore davantage augmenté, du fait que depuis lors, l’Office a pris la décision de supprimer toutes les filières où le taux d’employabilité observé était faible, tout en mettant en place de nouvelles où l’avenir était davantage assuré aux lauréats. “Mais il est difficile de savoir de combien est actuellement le taux d’emploi de nos lauréats, du simple fait que nous ne sommes pas en mesure de conduire une telle étude car nous serions, dans un tel cas de figure, considéré comme juge et partie”, expose une source au sein de l’OFPPT, que Maroc Hebdo a joint pour le besoin de son article.
Aujourd’hui, l’OFPPT fait même des émules dans le reste des pays africains, puisque grâce à lui, grâce à ses bons offices, huit autres États du continent ont pu se doter d’établissements de formation professionnelle à même d’assurer un avenir autrement radieux à leurs jeunes. L’Office avait d’ailleurs été à l’initiative, en avril 2017, de l’Alliance africaine pour le développement de la formation professionnelle, qui compte parmi ses membres fondateurs, outre le Maroc, le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, Djibouti, le Gabon, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, le Tchad et le Togo -des pays que l’OFPPT accompagne aussi au niveau du financement, par le biais notamment de la Banque islamique de développement (BID), partenaire dès le départ de l’Alliance. “Il y a un pays africain que je ne vais pas vous citer, mais dont un ministre m’avait dit que l’établissement que l’OFPPT avait aidé à y ériger était le premier à l’être… depuis les années 1980!”, relève un membre du top management de l’OFPPT, avec qui Maroc Hebdo a également été en contact.
Et Loubna Tricha dans tout cela? Si c’est à elle qu’on décerne notre titre de personnalité de l’année, c’est bien aussi parce qu’elle y est pour quelque chose, n’est-ce pas? Effectivement, et on dira même plus: si Larbi Bencheikh, l’ancien DG emblématique débarqué suite au scandale d’Al-Hoceima (lire n° 1229, du 27 octobre au 2 novembre 2017) a contribué à poser les jalons de ce qu’est aujourd’hui l’aventure OFPPT, c’est son actuel successeur, à savoir donc Loubna Tricha, qui l’a fait grandir et en fait la “boîte” exemplaire qu’elle est désormais indéniablement. Pour en rester à l’Afrique, on rappellera que le projet qui lui vaudra d’être confirmée à la tête de l’Office avait été une convention- cadre signée en avril 2018 à l’occasion d’une visite royale au Congo et qui avait porté, comme l’avait alors détaillé le Cabinet royal, sur la réalisation d’une mission de diagnostic du dispositif de formation professionnelle dans le pays de Denis Sassou- Nguesso, l’accueil en formation initiale de vingt stagiaires et apprenants congolais par an, la formation et le perfectionnement de dix formateurs par an dans les secteurs prioritaires, la formation du personnel administratif et d’encadrement technico-pédagogique et l’accompagnement par l’OFPPT à la mise en place de centres de formation professionnels répondant aux besoins des secteurs prioritaires au Congo en main d’oeuvre qualifiée.
Secteurs prioritaires
De l’avis de nombreux témoins présents à l’époque, la qualité du travail rendu par Loubna Tricha et ses équipes avaient séduit le roi Mohammed VI, au point de lui confier à titre définitif totalement la barque quatre mois plus tard. La concernée souffle alors à peine sa trente-troisième bougie. Aux âmes bien nées, dira-t-on… “Mais je dois préciser que Sa Majesté la connaissait depuis bien avant le voyage au Congo. Déjà aux côtés de Larbi Bencheikh, elle lui avait présenté des projets relatifs au secteur de la formation professionnelle, puisqu’il faut rappeler qu’avant de devenir directrice, elle était la secrétaire générale de l’Office”, nous rappelle une de nos sources.
Main d’oeuvre qualifiée
En fait, différents interlocuteurs avec qui Maroc Hebdo a échangé ont insisté sur le fait que Mohammed VI suivait de façon très proche le dossier de la formation professionnelle au Maroc, du fait que les chiffres qu’on lui remontait de la part des institutions nationales spécialisées, telles le Haut-Commissariat au plan (HCP), rapportaient le même point, coriace dans sa régularité dans le temps: que l’enseignement supérieur, dans son état actuel, menait massivement au chômage ceux qui le fréquentaient, et que la formation qui y était prodiguée n’avait rien à voir avec la réalité du marché de travail, en besoin davantage d’une main d’oeuvre technique. Constat sans appel qu’il livrera lui-même, à la façon très franche et très directe dont il est souvent coutumier, en taxant directement, dans son discours de la Révolution du Roi et du peuple du 20 août 2013, “certaines filières industrielles” d’“usines à chômeurs”. “Il s’agit de parachever [la] qualification [du citoyen marocain], d’affiner ses connaissances et de lui permettre de travailler dans les nouveaux métiers du Maroc, qui accusent un grand déficit en main d’oeuvre qualifiée, tels que ceux de la construction automobile et des centres d’appel, ceux liés à l’aéronautique et d’autres encore.
A l’instar de ces métiers et services, et de ces écoles et instituts supérieurs de gestion, de management et d’ingénierie, il est nécessaire d’apporter plus de soutien et d’encouragement au secteur de la formation professionnelle”, dira notamment le Souverain. Et c’est donc dans cette logique qu’intervient le mandat de Loubna Tricha: sa désignation intervient d’ailleurs au lendemain même d’un autre discours de la Révolution du Roi et du peuple, celui du 20 août 2018, où Mohammed VI appelle à “revoir en profondeur les spécialités de la formation professionnelle pour qu’elles répondent aux besoins des entreprises et du secteur public, et qu’elles soient en phase avec les transformations que connaissent les secteurs industriel et professionnel”.
Nouvelle stratégie
Avant même qu’elle ne prenne officiellement son poste, Loubna Tricha avait, soit dit en passant, commencé à plancher sur une nouvelle stratégie pour l’OFPPT, qui est finalement celle qui est appliquée actuellement; Mohammed VI l’imposera notamment personnellement en 2019, après que la copie que lui avait en même temps rendu le gouvernement Saâd Eddine El Othmani en vue justement de réformer le secteur de la formation professionnelle lui ait déplu et apparu bien en déçà des attentes et des résultats escomptés. “C’est un arbitrage royal qui a été fait, mais il faut dire aussi que c’était en connaissance de cause. Quand il s’agit de formation professionnelle, on sent quand on parle à Sa Majesté qu’on a affaire à un véritable passionné”, nous indique-t-on.
Une autre de nos sources de mettre en avant le fait que c’est le Roi personnellement qui a été à l’initiative du concept de cité des métiers et des compétences -les CMC-, où dans chaque région on dispose d’une formation professionnelle pointue dans des conditions matérielles qui permettent d’acquérir une solide maîtrise bien avant de mettre la main au cambouis; un étudiant dans la filière automobile peut ainsi se retrouver face à toute la chaîne de fabrication d’une batterie électrique pour voiture, et un autre aéronautique à, carrément, un réacteur d’avion. En gros, c’est le Roi qui se trouve le maître d’ouvrage du chantier de la formation professionnelle, mais il faut dire aussi qu’il a, en Loubna Tricha, la parfaite maître d’oeuvre. “C’est quelqu’un d’intelligent, de brillant. Franchement les mots me manquent pour parler d’elle”, témoigne une de nos sources.
Une autre de nos sources de mettre en avant sa capacité de travailler hors normes -“elle est sur pied h24, et j’exagère à peine”, nous confie-t-elle-, une troisième sa capacité à tirer le meilleur de ses collaborateurs, en leur accordant sa pleine confiance. Mais s’il est des descriptifs qui reviennent le plus, ceux sont ceux relatifs aux valeurs qu’elle porte. “C’est tout d’abord une vraie patriote, à l’image de ses deux parents”, insiste-t-on notamment, en revenant sur son histoire familiale et sur une perte qu’elle a faite très jeune, à savoir celle de son père, soldat dans les Forces armées royales (FAR) qui est mort sous les drapeaux. Sa mère, quant à elle, est enseignante.
D’elle, relate-t-on, elle tient son goût pour les études. “Elle a toujours été bon élève”, nous explique-t-on. C’est à Taounate, au milieu des années 1980 que Loubna Tricha voit le jour, mais son attachement premier, c’est à Fès qu’elle l’a, puisque c’est dans la capitale spirituelle du Royaume qu’elle passe son enfance puis son adolescence jusqu’à ses classes préparatoires au lycée Moulay Idriss, avant de débouler à Rabat pour intégrer, pour trois ans, de 2005 à 2008, l’École mohammédia des ingénieurs (EMI). “Elle reste très fassie dans sa façon d’être. Fès, c’est sa ville. Le premier stage qu’elle fait après avoir intégré l’EMI, c’est dans une compagnie de céramique locale, car elle tenait à revenir pour l’été,” se souvient- on. En 2008, Loubna Tricha effectuera également à Fès un stage chez le cimentier Holcim, mais son objectif est plutôt, selon ce que l’on comprend, de faire carrière dans le groupe OCP, qu’elle intègre la première fois à la fin de l’été 2007 pour un stage. But qu’elle atteint à sa sortie de l’EMI: elle décroche un poste à Khouribga au sein de la direction du développement industriel du géant phosphatier, où, en tant que simple ingénieur en projet minier, elle gravit les échelons jusqu’à être repérée par Mostafa Terrab. Le PDG du groupe OCP la rattache alors directement à son cabinet. “Quand il a affaire à quelqu’un de compétent, Mostafa Terrab sait immédiatement le reconnaître.
Bonne pioche
En soi, cela vous en dit long sur Loubna Tricha, et puis la suite lui a donné raison”, décrypte-t-on. Mais Mostafa Terrab devra se passer d’elle, puisque Larbi Bencheikh la repêche pour en faire sa secrétaire générale et, de ce fait, la cheville ouvrière de l’OFPPT. Bonne pioche aussi bien pour l’Office que donc pour le pays. À même pas quarante ans, cette maman de deux filles -comme elle a aussi, par ailleurs, deux soeurs, dont une, Bouchra, qui est cadre au département de la Jeunesse- a réussi, en à peine cinq ans, à installer tout un système grâce auquel des millions de Marocains peuvent aujourd’hui disposer d’un emploi stable et d’un revenu décent dans la dignité. Sans compter l’acquisition de compétences avérées dans les différents domaines de la vie, que ce soit dans la façon de se comporter sur le lieu du travail ou de se faire une place, pour les plus aventureux, dans le domaine de l’entrepreneuriat. De quoi beaucoup devraient sans doute prendre de la graine.