
Enseignement supérieur : les départs à la retraite de professeurs perturbent l’université
Au moins 5.000 enseignants-chercheurs et professeurs devraient quitter les campus dans les trois prochaines années. Le relèvement à 65 ans de l’âge limite d’activité et la possibilité de proroger jusqu’à 71 ans sont sans effet, pour l’instant. Résultat, présidents d’université et doyens des facultés s’en remettent au système D.
L’accélération des départs à la retraite des enseignants-chercheurs place l’université face à une équation quasi-insoluble. Selon les données officielles, 5.000 professeurs devraient quitter les campus dans les trois prochaines années.
Au terme de l’année universitaire en cours, 861 enseignants devraient faire valoir leurs droits à la retraite. De Tanger à Laâyoune, l’angoisse monte chez les présidents d’université et les doyens des facultés. Non seulement la relève est rare, mais en plus l’Etat-employeur n’applique plus, depuis longtemps, la règle du remplacement des départs à la retraite.
Ce que confirme d’ailleurs le ministère des Finances qui révèle que «les départs à la retraite constituent le principal levier de la réduction des effectifs de l’État puisqu’ils génèrent plus de huit suppressions de postes budgétaires sur dix».
Pour autant, l’Enseignement supérieur avec 2.349 postes ouverts (personnel administratif compris), en 2023, reste l’un des tout premiers bénéficiaires de créations d’emplois dans la fonction publique derrière le trio composé de l’Intérieur, la Défense et la Santé.
Au cours des dix dernières années (2013 à 2023), 64,3% des 139.000 postes ouverts étaient concentrés sur ces quatre départements. Mais un poste d’emploi inscrit dans le Budget de l’État ne se traduit pas forcément par un emploi, car l’université est confrontée à un énorme problème de relève en quantité et en qualité, concède un professeur à la Faculté des Sciences juridiques économiques et sociales de l’Université Hassan II, à Casablanca.
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Ce phénomène touche la plupart des filières, ajoute-t-il. Les pouvoirs publics ont tenté d’y apporter une réponse en aménageant une dérogation spéciale en reculant l’âge de départ à la retraite pour les professeurs et les enseignants-chercheurs. Normalement, les professeurs d’université peuvent faire valoir leurs droits à la retraite à 65 ans, mais s’ils le souhaitent, et après accord du ministre de tutelle, cette limite d’âge peut être prorogée d’une période maximum de deux ans, renouvelable deux fois. Théoriquement, ils peuvent donc continuer à enseigner jusqu’à 71 ans ! Le problème est que peu de professeurs sont emballés par cette mesure qui avait été présentée comme une «flexibilité» par ses promoteurs. Et pour cause, compte tenu de l’abattement fiscal sur la pension de retraite, il est financièrement plus attractif de partir à 65 ans (limite d’âge de droit commun) plutôt que de rester en activité et être assujetti à l’IR plein pot, explique un enseignant.
Par ailleurs, le ministère de l’Enseignement supérieur a été surpris par un afflux de demandes de démissions et de départs anticipés à la retraite comme le leur permet le statut de la fonction publique. Les demandes étaient tellement nombreuses que le ministre a instruit les présidents d’université de geler les autorisations. Ni la revalorisation salariale, 3.000 dirhams en trois ans, ni la création d’un nouveau grade (D) dans la catégorie des professeurs d’enseignement supérieur, n’ont pas suffi à freiner les ardeurs de ceux qui étaient tentés de partir.
En réalité, la difficulté à retenir les professeurs tient à des facteurs bien complexes. Avec des établissements de 36.400 étudiants, comme la Faculté de droit de Casablanca sur la route d’El-Jadida, ou sa consœur de Mohammédia, qui compte 33.435 étudiants (données 2022-2023), beaucoup de professeurs ont le sentiment de ne pas pouvoir exercer correctement leur métier.
Le recrutement des contractuels, dont le nombre reste limité, n’est pour l’instant qu’un antalgique face à l’ampleur du problème. De même, le recours aux vacataires, des professionnels qui assurent des cours en master et dans les licences dites d’excellence, s’est fracassé sur des grilles d’honoraires tellement «ridicules» que ceux qui continuent font du bénévolat.
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