Dans «LES SIX COULOIRS» de l’évaluation d’une thèse par le jury Ou métaphore filée d’une soutenance
Une métaphore filée est une figure d’expression que l’on peut construire sur plusieurs lignes sur un même thème.
Ma métaphore filée opère une transformation sémantique « par le mot » sur un moment fort du doctorat, celui de l’évaluation de la thèse le jour de la soutenance et joue sur les images par des comparés proches.
Elle consiste à rapprocher deux éléments pour en faire une ressemblance entre « le procédé d’évaluation d’une thèse par le jury » et « les couloirs d’une habitation ». Une métaphore qui n’est pas évidente mais qui va nous permettre de mieux comprendre la démarche d’évaluation de la thèse par le jury le jour de la soutenance.
Ma métaphore filée voudrait sensibiliser tous les présents à la soutenance : la famille, les amis, les doctorants, les membres du jury, l’encadrant mais surtout le candidat sur un moment crucial du parcours doctoral : l’évaluation de la thèse par les membres jury qui mène vers « La fin des couloirs » à la sortie de l’habitation « la thèse ».
I. Qu’est-ce le « couloir » d’évaluation d’une thèse par le jury?
« Le couloir » ; nom masculin désigne le passage dans une habitation qui relie plusieurs lieux ou différentes parties d’un lieu qui sur lequel s’ouvrent des portes et des chambres. Ses synonymes sont : chemin, défilé, dégagement, passage. En arabe « riwak » ou « mamar »
« Le couloir » de l’évaluation de la thèse le jour de la soutenance est un chemin qui mène vers le travail final ; la dernière porte de l ‘habitation (la thèse). Il défile l’histoire du candidat, verse vers une réflexion d’ensemble autour de la thèse et engage l’analyse individuelle et collective des membres du jury qui vont dans des constructions d’expertise, diagnostics critiques, de formulations, reformulations de la problématique traitée par le chercheur.
Il crée des interactions entre les membres du jury résultant de leurs différentes perceptions et positions méthodologiques, épistémologiques ou de leurs champs d’intérêt ou autres. Des portes s’ouvrent et se referment sur différentes configurations scientifiques, interprétations et réinterprétations, etc.
Des moments magiques ou pas, véhiculés par les chercheurs que le candidat(e) et l’auditoire suivent avec passion, curiosité, étonnement, distance, peur, admiration, compassion… ; Une montagne russe d’émotions servies par « les couloirs ».
« Ce couloir » s’ouvre sur d’autres, au moins six, débouche sur des décisions et décrit un processus de réflexion entre des pairs.
II. Les six « couloirs » de l’évaluation de la thèse le jour de la soutenance :
L’évaluation le jour de la soutenance ne se fait jamais dans une trajectoire unique par les membres du jury. « Les couloirs » ouvrent des portes et referment d’autres (les différents avis, remarques, convictions, discussions, réflexions, partages mais à notre avis perceptions sur la construction de la thèse) mais aucunement dans l’ordre.
« Les couloirs » de l’évaluation proposent de nouvelles structurations scientifiques de la thèse à partir de celle présentée par le candidat(e) dans un temps limité ; celui de la soutenance et dans un espace clos (l’amphi ).la tâche est lourde mais chacun des membres du jury ouvre le ou « les couloirs », se déplace dans l’habitation « la thèse », construit et déconstruit avec beaucoup de tact et de courtoisie « ou pas » la connaissance présentée par le candidat devant un auditoire perplexe et admirateur.
« Les couloirs » sont le chemin de l’ultime évaluation universitaire qui vise à porter un jugement définitif sur la thèse et sur le futur chercheur. C est un dernier rempart assurant l’intégrité académique du candidat(e)et conférant le titre d’expert ou spécialiste d’une question de recherche.
Je vous propose six « couloirs » d’évaluation :
1- « le couloir de la présentation de la thèse » :
Il s’agit de mettre son travail en perspective pour qu’il soit jugé. les membres du jury évaluent l’organisation de la présentation, l’introduction, le développement, la conclusion …etc. , ,la le fil conducteur dans le propos, la maitrise du contenu de la thèse, la pertinence de son utilisation, l’analyse des résultats la justification des méthodes et outils et même l’expression orale
Ce couloir permet aux membres du jury de développer au moment de la présentation orale leurs perceptions sur tel ou tel point de la thèse et de préparer leurs remarques et même peut être de changer d’avis sur le rapport rédigé avant la soutenance.
C’est à partir de ce « couloir » que les membres du jury peuvent prendre la thèse par des bouts inattendus pour une discussion publique et un échange réel tout en étant capable ou pas de se distancier de leur propre système de pensée mais c’est aussi un moment déterminant pour l’attribution de la mention et des félicitations.
Un vrai rite de passage.
2 « -le couloir conceptuel » ou le couloir de la construction théorique
Ce couloir positionne la thèse sur l’état de la connaissance (l’état de l’art), clarifie le bagage conceptuel c.à.d. l’ensemble des connaissances théoriques, lois, concepts, données scientifiques qui ont un rapport avec le sujet de recherche.
Dans « ce couloir », les membres du jury vérifient si la recherche est rattachée à un contexte de sens, qu’elle a apporté un éclairage nouveau à propos de la problématique traitée et que le corpus explicatif propose une nouvelle construction théorique
Le chercheur a-t ’il bâtit un cadre conceptuel ? A- t-il construit une démarche d’analyse adéquate ?
Lui a-t ’elle permit de vérifier des hypothèses et d’évaluer les résultats ?
Pour les redoutables scrutateurs, gare à tout « couloir » qui débute par une recherche documentaire pour ne s’arrêter qu’a elle.
3- « le couloir morphologique » :
Ce « couloir » énonce les règles de structuration, de formation de l’objet scientifique, lui impose
Une certaine figure, un certain ordre entre les éléments.
Dans ce « couloir », les membres du jury reviennent vers les diverses méthodes d’agencements des éléments constitutifs du doctorat : la typologie, le type idéal, le type d’hypothèses, les systèmes structuraux ainsi que le type d’écriture.
Les membres du jury étudient expertisent la forme des unités de la thèse et de leurs agencements, débattent le processus de réflexion et portent un jugement sur la qualité de la démarche du chercheur(e)
4 « -le couloir épistémologique » ou couloir de la posture de recherche :
Pour mener sa recherche, le candidat(e) doit disposer d’un cadre épistémologique sous –jacent qui a régit le processus de recherche et a permis de se positionner par rapport aux différents paradigmes.
Dans ce « couloir », les membres du jury s’attachent à l’exercice d’évaluation de la posture de recherche choisie sous l’œil bienveillant de l’encadrant (e) qui soutient le candidat (e) dans son cheminement épistémologique (positivisme/constructivisme / interprétativisme), dans ses modes de raisonnement (inductif/déductif/abductif) et dans ses méthodes de recherche (qualitative/quantitative ou design de la triangulation) et analysent le chemin argumentatif du candidat.
Le caractère exigeant de l’exercice peut mener à des « batailles de clans épistémologiques » qui peuvent déboucher sur des situations tranchées de remise en cause ou de rejet de la posture de recherche ou plus « light » de débat sur les perceptions épistémologiques des uns et des autres. Est-il possible pour le candidat de se repositionner dans « la discussion qui date des débats du temps » d’autant plus que le choix de son couloir épistémologique a déjà été fait.
5- « le couloir technique » ou couloir de la recherche empirique :
« Le couloir technique » permet d’opérationnaliser les questions de recherche et de vérifier si elles sont soumises à une investigation empirique à partir des données, celles disponibles et celles construites par le candidat(e) (enquêtes/entrevues qualitatives/ analyse documentaires).
Dans ce « couloir », les membres du jury reviennent sur les instrumentes les procédures sélectionnées par le candidat(e) pour déboucher sur les résultats qu’ils discutent ensuite.
C’est ici que les maitres de la cérémonie font un retour sur la pertinence des hypothèses, les modèles construits, les nouvelles idées émises……etc. En fait, ils reviennent sur la mise en pratique d’un dispositif.
6- le « couloir de la conclusion » :
Dernière porte de l’évaluation de la thèse le jour de la soutenance. Le candidat(e) présente les implications des résultats dégagés par sa recherche ainsi leurs limites et perspectives futures.
Dans ce « couloir », les membres du jury vérifient si le candidat(e) a créé un objet indépendant des connaissances antérieures, futur socle pour des recherches futures tout en ayant à l’œil les limites
Ces « couloirs d’évaluation » confirment le choix de ma métaphore filée, fusionnent « un comparant et un comparé » ; « l’évaluation de la thèse aux couloirs d’une habitation.
Lesdits « couloirs » reconstituent le chemin de la thèse, défilent des reconfigurations méthodologiques, épistémologiques et parfois philosophiques individuelles et collectives véhiculées par les membres du jury, dégagent les possibles constructions futures de la thèse, ouvrent des passages en cas de difficulté de décollage, d’atterrissage, de grande vitesse ou de collision dans la réflexion scientifique.
Des lieux dans les vingt mille lieux sous la mer tels décrits par Jules Vernes.