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Recherche scientifique : le CESE recommande une gouvernance intégrée et plus de financement

Dans un rapport approfondi, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) appelle à une réforme globale du système national de recherche et d’innovation. Il préconise une gouvernance mieux structurée et une hausse significative du financement, estimant que la dépense intérieure en recherche et développement, actuellement autour de 0,75% du PIB, devrait atteindre 3% d’ici 2030 pour répondre aux ambitions du Royaume.

Le CESE dresse un constat lucide : la recherche scientifique au Maroc a progressé, mais reste fragmentée, insuffisamment coordonnée et faiblement valorisée. Malgré la multiplication des acteurs – universités, centres de recherche, établissements publics, entreprises et fondations – l’absence d’une stratégie intégrée freine l’efficacité du système. Les initiatives se superposent sans réelle convergence, ce qui limite l’impact économique et social de la recherche.

Dans son avis intitulé « contribution de la recherche scientifique à l’innovation, au développement et au renforcement de la compétitivité de l’économie nationale : urgence d’une stratégie nationale coordonnée et intégrée », le conseil souligne que le Maroc dispose pourtant d’un potentiel humain et scientifique significatif, avec plus de 23.000 chercheurs recensés, un nombre croissant de doctorants et une production scientifique en hausse. Mais ces efforts demeurent dispersés, faute de vision commune et d’articulation claire entre les politiques publiques, les institutions et le tissu économique.

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Une gouvernance éclatée et un cadre juridique dépassé

Le rapport, réalisé par la Commission permanente chargée de la société du savoir et de l’information, met en évidence une gouvernance éclatée, caractérisée par la multiplicité des intervenants et l’absence d’un pilotage fort. Le Conseil national de la recherche scientifique et du développement technologique, censé assurer cette coordination, ne joue pas encore pleinement son rôle, constate le CESE. Les politiques de recherche restent sectorielles et souvent déconnectées des priorités nationales, note le rapport.

Le CESE insiste sur la nécessité de moderniser le cadre législatif, notamment la loi 01-00 relative à l’enseignement supérieur, afin de permettre aux universités d’exercer une véritable autonomie scientifique, administrative et financière.

La réforme doit aussi favoriser la création de structures de valorisation au sein des établissements et de partenariats structurants avec le secteur privé, à l’image de ce qui se pratique dans les économies émergentes innovantes.

Un effort financier encore limité

Avec une DIRD ( Dépense intérieure brute en recherche et développement) représentant seulement 0,75 % du PIB, le Maroc reste loin des standards internationaux. Le financement public, bien qu’en hausse, demeure morcelé entre plusieurs ministères et programmes. Le CESE recommande une trajectoire progressive vers 3 % du PIB d’ici 2030, soutenue par un fonds national de cofinancement public-privé, la rationalisation des dépenses, et la mobilisation des régions dans le financement de projets à fort impact territorial.

Le rapport préconise aussi d’introduire des incitations fiscales ciblées pour encourager les entreprises à investir dans la R&D et à collaborer avec les laboratoires universitaires. Le secteur privé, qui ne contribue aujourd’hui qu’à environ 30 % du financement total, doit devenir un acteur moteur de l’innovation.

Valorisation et transfert technologique : un maillon faible

Le rapport du CESE met particulièrement en lumière la faible capacité du Maroc à transformer la recherche en innovation concrète. Ce déficit de valorisation et de transfert technologique constitue, selon le Conseil, l’un des principaux maillons faibles du système national de recherche et d’innovation. Malgré des efforts réels en matière de publication scientifique et de formation doctorale, le passage du laboratoire à l’entreprise reste rare et complexe. La majorité des résultats de recherche demeurent confinés dans les universités, faute de dispositifs efficaces de transfert, de financement adapté ou de structures intermédiaires capables d’accompagner la maturation technologique des projets. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : la part du Maroc dans le total des dépôts de brevets internationaux reste marginale, tout comme le nombre de startups issues de la recherche publique.

Le rapport relève également que les universités et établissements publics manquent de bureaux de transfert de technologie (Technology Transfer Offices) et de structures de valorisation opérationnelles. Pourtant, la loi 01-00, qui encadre l’enseignement supérieur et la recherche, prévoit la possibilité pour les universités de créer des filiales de valorisation, mais ces dispositions n’ont jamais été véritablement appliquées faute de décrets d’application et de cadre institutionnel clair.

Le rapport identifie plusieurs freins majeurs à cette valorisation :

  • L’absence de stratégie nationale claire de transfert technologique, laissant chaque université ou institut agir isolément.
  • Le manque de mécanismes de financement intermédiaires pour soutenir la phase critique de maturation technologique (preuve de concept, prototypage, industrialisation).
  • Des procédures administratives lourdes et peu flexibles, inadaptées aux exigences de réactivité du monde économique.
  • Un déficit de compétences en valorisation : la plupart des chercheurs ne sont pas formés à la propriété intellectuelle, au dépôt de brevet ou à la commercialisation des résultats.

Le CESE note également que les outils de mesure de la performance de la recherche restent centrés sur les publications scientifiques, sans tenir compte de l’impact économique ou social des résultats produits.

Certains modèles marocains montrent pourtant la voie. A titre d'exemple, la Fondation MAScIR(Moroccan Foundation for Advanced Science, Innovation and Research), pionnière en la matière, illustre la capacité du pays à développer une recherche appliquée étroitement liée aux besoins du marché, notamment dans les domaines de la santé, de la chimie, des matériaux et de l’énergie. De même, quelques universités comme l'UM6P ou Al Akhawayn ont mis en place des incubateurs et accélérateurs de projets issus de la recherche.

Pour le Conseil, le Maroc doit passer d’un modèle de production scientifique à un modèle de production d’innovation. Cela implique de créer un écosystème national de valorisation, articulé autour des leviers comme la mise en place d’un réseau national de structures de transfert de technologie, intégrées aux universités et connectées aux pôles industriels régionaux, la création d’un fonds de valorisation et de maturation technologique, ou encore le renforcement des capacités en gestion de la propriété intellectuelle et en entrepreneuriat technologique au sein des universités. Il s'agit aussi de l'instauration d’un cadre juridique spécifique pour la valorisation, permettant aux chercheurs de détenir une part du capital des startups issues de leurs travaux, à l’instar des modèles français ou canadiens.

Le CESE préconise également de mesurer la performance des établissements non seulement à travers leurs publications, mais aussi via des indicateurs d’innovation : brevets, licences, partenariats industriels, création de startups, retombées économiques locales.

Des pôles régionaux pour une recherche de proximité

Le Conseil recommande la mise en place d’un maillage territorial intelligent de la recherche, reposant sur des pôles d’excellence régionaux, articulés autour des atouts économiques et naturels de chaque territoire. Cette approche permettrait de rapprocher la recherche des besoins concrets : agriculture durable, ressources en eau, énergies renouvelables, santé, intelligence artificielle, ou encore industrie pharmaceutique.

Les régions, souligne le rapport, doivent être pleinement intégrées à la gouvernance de la recherche et bénéficier de moyens financiers pour soutenir les projets locaux, notamment via des contrats-programmes tripartites entre l’État, les universités et les conseils régionaux.

Le capital humain, moteur de l’innovation

Le rapport consacre une large part à la question du capital humain, estimant que la compétitivité scientifique du Maroc dépend avant tout de ses talents. Il recommande de revaloriser le statut du chercheur, de renforcer la formation doctorale, d’améliorer les conditions de recherche et de créer des passerelles entre les chercheurs marocains résidant à l’étranger et les laboratoires nationaux.

La mobilisation de la diaspora scientifique est considérée comme un atout stratégique : de nombreux chercheurs marocains travaillent dans des institutions prestigieuses à l’international et pourraient contribuer à l’écosystème national via des programmes de recherche conjoints, des transferts de savoir-faire et des missions d’encadrement.

Pour le CESE, la recherche et l’innovation ne sont pas seulement des enjeux académiques, mais des leviers de souveraineté et de sécurité nationale.

Dans un monde marqué par la transition énergétique, la compétition technologique et la dépendance aux chaînes d’approvisionnement mondiales, le Maroc doit investir dans ses propres capacités scientifiques pour réduire sa vulnérabilité stratégique. Les secteurs prioritaires identifiés par le Conseil incluent l’eau, l’énergie, la santé, le numérique, les biotechnologies et la défense. Le développement d’une recherche appliquée dans ces domaines contribuerait à consolider la souveraineté technologique du Royaume, tout en stimulant la compétitivité de ses entreprises.

La feuille de route du CESE

Le CESE propose une stratégie nationale intégrée, articulée autour de six leviers principaux :

  • Gouvernance rénovée : coordination entre acteurs publics, privés et territoriaux, avec un leadership clair du Conseil national de la recherche.
  • Cadre juridique modernisé : révision de la loi 01-00, autonomie accrue des universités et création de filiales de valorisation.
  • Financement durable : objectif de 3 % du PIB d’ici 2030, mobilisation du secteur privé et création d’un fonds national d’innovation.
  • Valorisation et transfert : structures régionales d’appui à l’innovation et renforcement des brevets et spin-offs.
  • Régionalisation scientifique : pôles d’excellence territoriaux alignés sur les priorités régionales.
  • Capital humain et coopération internationale : formation continue, attractivité de la carrière scientifique et partenariats stratégiques à l’échelle africaine et mondiale.

Le CESE conclut que la recherche scientifique et l’innovation doivent être au cœur de la mise en œuvre du Nouveau modèle de développement (NMD). Elles représentent un levier transversal capable de transformer les structures productives, d’améliorer la qualité des services publics et de renforcer la position du Maroc dans l’économie de la connaissance. « Le Maroc dispose d’un potentiel scientifique considérable. Ce potentiel doit désormais être organisé, financé et mis au service d’une vision nationale ambitieuse et partagée », affirme le Conseil.

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Mots Clés : 

CESE | recherche et innovation | Maroc | financement | gouvernance | transfert technologique | capital humain | stratégie nationale


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